knk-autour-du-feu-zoomAUTEUR : Patrick DE VIVIES

Dumbéa est une des seules communes de Nouvelle-Calédonie, avec Nouméa à ne pas avoir de tribu sur son territoire. La localisation des anciennes tribus de Dumbéa est difficile à déterminer. Les sources historiques sont souvent contradictoires et la tradition orale coutumière gardée dans le secret de la mémoire des vieux. Nous avons déjà relaté la fin tragique du village de Nundo, dernier lieu de peuplement kanak à Dumbéa.

village-knk

Une carte ancienne, levée et dessinée par le sous-lieutenant d’artillerie de Marine P. Bregec en 1867 (1) permet de localiser avec précision le village kanak qui était installé au bord de mer, sur la baie de Koutio-Kouéta, à l’emplacement de l’ancienne quarataine animalière, ou se construit actuellement le futur Médipôle de Koutio.

fregates-la-perouseLapérouse dans la baie de Koutio-Kouéta ?

Bernard Brou, dans l’article intitulé  » Laperouse, découvreur de la Nouvelle-Calédonie » (2), arrive à la conclusion que ce village kanak est celui du district de Nimbo mentionné par Antoine Bonnemaison, un déporté arrivé en Nouvelle-Calédonie vers 1872 et reparti en 1877. Si sa conclusion est exacte, elle apporterait la preuve que Laperouse aurait mouillé dans la baie de Koutio-Kouéta après 1785.

En effet, Antoine Bonnemaison aurait remis à un ancien aspirant de Dumont d’Urville un instrument de géodésie – un graphomètre – aujourd’hui au musée de la Marine à Paris qu’il déclara avoir « trouvé dans une case du district de Nimbo en Nouvelle-Calédonie« . Or ce graphomètre, couverte de fleur de lys, provient de l’expédition de Lapérouse comme l’a établi Bernard Brou.

Depuis le fort Téréka, la baie de Numbo et celle de Koutio-Kouéta semblent proches.

Depuis le fort Téréka, la baie de Numbo et celle de Koutio-Kouéta semblent proches.

Ce dernier chercha longuement l’emplacement du « district de Nimbo » mentionné par Antoine Bonnemaison. La carte de Bregec, retrouvée par Bernard Brou avec le concours de M. Gravier, chef du service topographique de Nouméa, mentionne bien la présence d’un village kanak. Pourtant aucune dénomination n’est inscrite sur le carte historique. Bernard Brou s’appuie sur la proximité de l’ilôt Numbo et du Mont Vétiu (ou Ouétiou), aujourd’hui dénomé Pic aux mots en raison des sépultures kanak qu’il abrite, et sur la toponymie pour déduire que ce village est bien le village du district de Nimbo. La proximité de la baie de Numbo l’a invité à considérer qu’il s’agissait là d’un « groupe humain mobile ». En effet, partageant le même phonème N’mb’, les noms Numbo, Nemba, Nimbo, Nimba peuvent traduire une francisation approximative d’un même terme indigène.

Les Déo, clan de pêcheurs de Koutio-Kouéta

Aucune autre source écrite ou orale n’est venu confirmer l’appelation de Nimbo pour le village kanak de Koutio-Kouéta. D’autres lieux, non répertoriés dans l’article de Bernard Brou, portent le nom de Nimba ou Nemba, notamment la plaine Adam qui était ainsi dénommée  dans le traité de concession de 1859 au profit du colon Adam. La plaine traversée par la Ouénaoué peu avant la confluence avec la Dumbéa porte également le nom de Nimba. Cela marquerait-il le parcours d’un chemin d’échange entre les clans de pêcheurs de la mer et les cultivateurs d’ignames de l’intérieur ? La toponymie ne peut suffire à étayer cette affirmation.

L'îlot Numbo et la pointe Ouéta, vues des Monts Koghi

L'îlot Numbo et la pointe Ouéta, vues des Monts Koghi

Selon Jean Guiart (3), un lignée de pêcheurs, les Déo, « qui revendiquait une appartenance au Té Waka » occupait l’ouest- sud ouest de la Péninsule de Nouméa. Les Togna en serait les descendants.

 » Le chef Déo, Kobala (Combala) dominait la côte basse de la Dumbéa, c’est-à-dire la mangrove, ce qui explique son installation permanente à Koutio-Kwéta. »Son domaine touchait celui d’un autre clans de pêcheurs, les Betowé, au niveau de l’embouchure de la Dumbéa.

L »information cartographique levée en 1867 apporte en tous les cas un témoignage précis et sans ambiguité sur la localisation du village du clan des pêcheurs installé au bord de mer à Koutio-Kouéta. Ce village  aurait-il accueilli l’expédition Lapérouse lors de son passage en Nouvelle-Calédonie ? Les éléments collectés par Bernard Brou semblent l’indiquer bien qu’il soit difficile de l’affirmer sur la base d’un rapprochement par une approche toponymique.

Patrick de Vivièscarte-nimbo

(1) Archives du service topographique de Nouméa

(2) Bulletin n°74 de la Société des études historiques (1988)

(3) Heurs et malheurs du pays de Numéa, Jean Guiart (2000)

chantier-piscineAuteur : Patrick DE VIVIESpiscine-vue-architecte

Le chantier du Centre aquatique de Koutio a débuté il y a trois mois à côté de l’actuelle piscine de Koutio. Les travaux de terrassement et la mise en place d’une butte séparant le futur bassin de la route et destinée à servir de gradins « naturels » de trois cent places sont désormais achevés. Les fondations des bâtiments administratifs et locaux techniques sont en cours.

Le bassin olympique proprement dit du centre aquatique, en inox, sera de 50 mètre sur 25 et de 2 mètres de profondeur.

piscine-planL’infrastructure devra être inaugurée en janvier 2011, juste à temps pour les jeux du pacifique de 2011 dont les épreuves de natation seront accueillies par Dumbéa. Autant dire une course contre la montre pour opérateurs de ce chantier ….

Le membre du gouvernement en charge du sport, le maire, le commissaire délégué et le président de la province Sud lors de la pose de la première pierre, en inox, le 15 octobre 2009

Le membre du gouvernement en charge du sport, le maire, le commissaire délégué et le président de la province Sud lors de la pose de la première pierre, en inox, le 15 octobre 2009

Le Centre aquatique de Koutio est presqu’intégralement financé par le budget de la Nouvelle-Calédonie, dans le cadre des crédits spécifiquement provisionnés pour permettre le financement des infrastructures nécessaires à l’accueil des jeux de 2011. L’enveloppe initiale de 400 millions s’est vite révélée insuffisante et les élus du congrès ont du remettre la main à la poche pour passer à près d’un milliard (956 millions) la contribution de la Nouvelle-Calédonie. Une bonne opération pour la commune dont les marges de manœuvre financière sont étroites, car elle ne contribue qu’à hauteur de 80 millions au projet. Des financements complémentaires sont encore recherchés en métropole par la commune pour porter à 1 milliard 450 millions le budget total de ce chantier.

Le combat entre les communes fût  rude pour attirer sur leurs territoires respectifs les infrastructures financées par la Nouvelle-Calédonie dans le cadre de NC 2011. La construction du Centre aquatique à Koutio n’est donc pas le fruit du hasard mais bien le résultat de l’implication personnelle de celui qui avant d’être le premier magistrat de la commune, présida pendant de nombreuses années le club municipal de natation de Dumbéa.

Patrick de Viviès

A lire également sur le sujet Les Nouvelles Calédoniennes du 16 octobre 2009

P1020793Les dés sont jetés. Le chantier de Dumbéa-sur-mer est bien engagé. Et quel chantier ! En dix ans, ce sont plus de 6000 logements qui vont sortir de terre, dont 3000 logements sociaux en locatif ou accession à la propriété.

P1020823Le chantier du siècle

C’est donc une ville nouvelle de près de 25 000 habitants qui se construit sous nos yeux sur 500 hectares. La création des zones d’aménagement concerté (ZAC) de Dumbéa-sur-mer et de Panda devraient permettre en théorie de faire financer les équipements publics par les promoteurs (un collège, six groupes scolaires, deux stations d’épuration, 47 kilomètres de routes, 200 kilomètres d’adductions en eau potable …).P1030080

Un héritage du passé lourd à porter

P1030017C’est une grande nouveauté par rapport aux grands chantiers de la décennie précédente qui a laissé à la municipalité la charge de financer et de construire les équipements publics nécessaires à l’accueil des populations nouvelles. Deux lotissements (Jacarandas 2, FSH, et les Collines d’Auteuil, SIC) totalisent ainsi plus d’un millier de logements sur les près de 1500 qui sont sortis de terre récemment.P1030078

P1030024Ils sont désormais habités ou sur le point de l’être, sans que les infrastructures, notamment scolaires et routières aient suivies en proportion. Cela place la commune dans l’obligation de réaliser un volume important d’investissements alors même que les caisses sont vides et que l’endettement par habitant de la commune, hérité de l’ancienne mandature, est parmi les plus élevés des communes calédoniennes.

P1030027L’essentiel des recettes de la commune provient d’une quote-part des impôts prélevés par la Nouvelle-Calédonie et de dotations de l’Etat calculées notamment en proportion de la population communale. Pour une commune comme Dumbéa qui subit un très fort accroissement démographique -parmi les plus forts de Nouvelle-Calédonie-  il y a le plus souvent un décalage colossal entre la population « légale » qui sert de base aux dotations, et la population réelle à servir, et la population future dont on accompagne l’installation. D’où l’intérêt du recensement en cours qui permet de « remettre les pendules à l’heure » et de doter la municipalité de moyens un peu plus en rapport avec les besoins des populations à servir. La commune en a leplus grand besoin à l’heure ou elle recontre de sérieuses difficultés financières.

P1020421Le chantier de Dumbéa-sur-mer et de la ZAC Panda ne sont pas les seules opérations d’habitat d’importance à Dumbéa. Près de 1500 logements sont en construction dans le centre et sur les collines de Koutio, avec une proportion importante de logements sociaux.

 

On a bien du mal à croire que toutes ces opérations compte tenu de leur envergure seront neutres pour le budget de la commune.

accroissement-populationLa population de Dumbéa est passée de 284 habitants en 1956  à 18 602 habitants en 2004. Ces chantiers devraient faire doubler la population de la commune au cours de la prochaine décennie. Ne vont-ils pas absorber une part croissante des moyens communaux ?

Dans la période actuelle de vaches maigres, les recettes fiscales stagnent et les concours de l’Etat sont de plus en plus difficile à mobiliser. L’Etat commence déjà à évoquer une année blanche pour 2011, avant la prochaine génération de contrats d’agglomération. Les crédits, c’est comme la confiture sur la tartine. Quand on en a plus beaucoup, on l’étale ! 

Aussi, nombreux sont ceux  se demandent si tout cela ne se fera pas au détriment de l’entretien et de l’équipement des quartiers existants et du service aux populations déjà installées …Et vous, qu’en pensez-vous ?

Patrick DE VIVIESP1020825

P1020961Rencontre avec MALIA PUKO, responsable du squat « face Carrefour »P1020963

 La plupart des familles souhaitent pouvoir devenir propriétaire du terrain –appartenant aux FSH- qu’elles occupent sans titre, et que le quartier bénéficie d’un assainissement, comme l’avait demandé,il y a quelques années déjà,  Rose Naporapoé, responsable du squat de Kawati « côté palétuvier ».

 « Nous savons maintenant que cela n’est pas possible » précise lucide Malia, responsable du squat « côté Carrefour », qui rassemble 50 foyers soit environ 250 à 300 personnes. Les gens semblent tiraillés entre le désir d’accéder à un logement « avec de la lumière quand on appuie sur le bouton, de l’eau au robinet, des toilettes » et la crainte de perdre un style de vie, que la communauté soit « dispersée dans différents lotissements ». Et Malia précise « on est habitué à vivre avec les mélanésiens, on se respecte ».

P1020937Les habitants des squats voient les lotissements sociaux sortir de terre partout avec l’impression que ces logements ne sont pas pour eux. Ce sont « des gens qui viennent d’ailleurs, de Nouméa, du Mont-Dore, qui s’y installent » et eux, restent là. « Ce sont les squatters qui ont besoin d’un toit, le malade qui a besoin d’un médecin, pas le bien portant », constatant qu’il faut gagner plus de 150 000 F par mois pour accéder à l’habitat social.

P1020939 En voyant les immeubles avec appartements en locatif, beaucoup ont du mal à se voir vivre « enfermé, sans jardin pour planter le manioc, les ignames, le tarot ». Le jardin apporte un complément alimentaire important aux familles qui devraient sans cela acheter tout au magasin.

 « Payer un loyer toute sa vie pour ne rien avoir au bout ». Comme bien des Calédoniens, les squatters aspirent à pouvoir accéder à la propriété, par la location-vente, avec des loyers correspondant à leurs moyens.

P1020990En attendant, le prix de l’essence a beaucoup augmenté et faire tourner le groupe électrogène coûte le prix d’un loyer. L’été pour préserver la nourriture au congélateur, il faut faire tourner le groupe jour et nuit, ce qui coûte plus de 15 000 F par semaine.

P1030003Et les conditions de vie sont difficiles, « pour l’hygiène, les toilettes » précise un jeune. A l’entrée du squat, la collecte des ordures est en principe une fois par semaine. Mais « depuis la grève, cela fait plus d’un moins que personne n’est venu ramasser, et l’odeur est insupportable. » Des carcasses de voitures trainent ici et là, offrant d’accueillants gîtes larvaires aux moustiques vecteur de la dengue.

 Malgré ces conditions modestes, les familles font face avec une dignité qui invite au respect.

P1030009 Mais quand on demande à Malia ce qui faudrait faire en priorité pour améliorer leur vie quotidienne, elle répond sans hésiter « un abri bus pour que les enfants n’attendent plus le bus sous la pluie » et une remise en état des pistes défoncées du squat . 

 Souhaitons que la prière de Malia puisse être entendue.

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