Quelques mois(1) après la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France le 24 septembre 1853, les marins explorent la rade de Nouméa à la recherche d’une capitale pour la nouvelle colonie. Ils signalent le site à Tardy de Montravel.qui décide de le baptiser Fort-de-France le 25 juin 1854 et d’y installer un établissement militaire.
Presque deux ans après en avril 1856, l’armée française n’a encore fait aucune incursion en dehors de la presqu’île de Nouméa. La construction du Fort Constantine, des maisons qui hébergent le commandant et de l’administration et des casernes sont achevées. Quelques commerçants et colons arrivées d’Australie étaient installées (1).
La première excursion armée qui a été faite hors de Nouméa se déroula en avril 1856. Elle était motivée par le vol de 5 à 6000 F à un colon nommé Expert par des indigènes qui s’étaient introduits dans sa case située Vallée des colons. Les autorités militaires ne tardèrent pas à savoir « que la somme avait été volée par des habitants du village de Nundo, et que la plus grande partie était entre les mains du chef (2)».
Seulement ils ne savaient rien de la position des villages au-delà du pont des Français. La colonne fit demi-tour une fois arrivée sur la rive gauche de la Dumbéa, apprenant que le village de Nundo se situait sur l’autre côté de la rivière. La seconde expédition débarqua sur la rive droite de la Dumbéa, empruntant un sentier qui les conduisit « au pied des collines très rapprochées de la rivière dans un endroit presque à pic, quelques cases d’un village appelé Néongoé »(3).
L’endroit presqu’à pic qu’il leur avait fallu gravir fut baptisé « l’échelle de Jacob » nom qui est resté partiellement aujourd’hui (pic Jacob).

Selon des sources orales concordantes, le village de Néongoé aurait été situé sur l'actuelle proriété Renard à Nakutakoin, là ou se trouve le bouquet de pins colonnaires.
Il fallu encore environ deux heures à la troupe pour parvenir à Nundo au bord de la Nondoué et de récupérer auprès du chef l’argent volé. Nundo fût ainsi connu dès les premières années de la colonisation sous le nom de « village des voleurs ».
Au regard de l’ignorance totale qu’avait l’armée de l’arrière pays nouméen en 1856, on peut s’interroger avec Jean Guiard (4) sur les circonstances qui conduisirent la colonne à faire l’ascension du pic Jacob(5) « alors qu’il aurait suffit, en prenant un peu son temps de contourner le massif par l’est ou par l’ouest ». « Est-ce l’enfant surnommé Boumaza, fils du chef de Nongoé, vivant au milieu des soldats de Fort-de-France, qui eu l’idée d’envoyer ces étrangers, aussi bien armés que dangereux pour les siens, à s’essouffler à grimper pareil « crève-cœur pour aller rendre visite à son père de l’autre côté de la montage ? ».(4)
Emile Foucher, à qui on attribue la rédaction du récit de cette expédition d’avril 1856 sur la Dumbéa, témoigne des souffrances des militaires dont les pieds furent écorchés par « les longues courses qu’ils avaient été obligées de faire » alors qu’ils croyaient le village de Nundo à un quart d’heure de Fort-de-France.

Patrick DE VIVIES
(1) Manuscrit de Ferdinand Knoblauch 1855-1861
(2) Souvenir des trois moineaux 1855-57
(3) Néongoé également retranscrit Nongoé ou Néongoué
(4) Heurs et malheurs du pays de Numéa, Jean Guiart 2000